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Angèle Verret
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Lorsqu’elle peint, Angèle Verret verse les unes sur les autres des couches d’acrylique légèrement colorée sur un support qu’elle travaille à l’horizontale. Elle fait donc couler le liquide visqueux sur la surface « neutre » et le laisse faire image, le pigment ayant tôt fait de révéler comme des ombres portées les résidus, égratignures et reliefs présents sur le support mais invisibles à l’œil nu. En cours de route, les couches liquides intègrent aussi toutes les fluctuations de la température et du séchage, multiplient en s’empilant les accidents, les plis, les coulures, les bulles et les rayures, recueillent pareillement les repentirs, refus, souhaits et regrets du peintre, de sorte que la dernière d’entre elles porte la mémoire de toutes les strates antérieures. Et à ces imprévus, l’artiste ajoute encore quelques éléments arbitraires qu’elle provoque par des gestes incontrôlés dont elle sélectionne les effets jusqu’à ce qu’elle-même ne s’y reconnaisse plus, qu’elle se trouve en terrain inconnu. « J’aborde le travail d’atelier en me déracinant », dit-elle. « Je veux sentir, éprouver et voir la peinture comme si je n’avais jamais vu, entendu ou peint. »

En déjouant ainsi ses sens, Angèle Verret libère en effet son esprit de toute recherche active de sens et le met plutôt en état de vagabondage et d’errance. La signification chez elle est par conséquent de l’ordre du dévoilement intuitif, de la révélation, plutôt que de la construction délibérée. Mais ce qui frappe dans cette peinture, c’est que son errance mène à de véritables trompe-l’œil, à des illusions simultanées de matières mouvantes et de photographie, de croûtes terrestres et de voûtes célestes, de montagnes et de pores de peau qui toutes représentent en premier lieu l’aventure même de la peinture et contribuent à nous faire approcher à travers elle des zones indéterminées de la réalité. Leurs passages répétés de l’infiniment petit à l’infiniment grand nous permettent également de comprendre que la moindre parcelle de matière recèle le cosmos tout entier et de voir l’espace d’un instant, aussi nettement que les micro-accidents sur la toile, combien nous ne sommes nous-mêmes que d’éphémères grains de poussière qu’accrochent le vent, la pluie et la lumière.

Anne-Marie Ninacs,
Conservatrice de l’art actuel et directrice de la collection prêt d’œuvres d’art du MNBAQ (2002-2006)
Texte de salle pour l’exposition Avancer dans le brouillard. Musée national des beaux-arts du Québec. 2004